L'éminent spécialiste des pères
de l'Eglise et habitué des relations oecuméniques,
nous propose effectivement une " initiation ". Plus qu'un
livre sur l'oecuménisme, c'est une présentation bien
informée des différents courants du christianisme
et même aussi du judaïsme et de l'Islam. Chaque chapitre
se termine par un questionnaire un peu scolaire bien pratique pour
l'animation
On trouvera cependant curieux un chapitre spécial sur l'Eglise
américaine (et pourquoi pas indienne, chinoise ou africaine
? Mais on comprend l'attachement de l'auteur à ce pays) et
l'absence de chapitre sur l'Eglise catholique, comme si on ne voulait
pas la poser en objet d'étude au même niveau que les
autres.
Le " nous " employé signifie " nous les catholiques
romains ". Le livre est donc conçu comme " un catholique
parle aux catholiques ", il porte des jugements toujours mesurés,
informés, tolérants et pleins de justesse mais "
catholiques ". Cela aide sans doute à plus de clarté
mais donne au lecteur non-catholique le sentiment d'être un
peu l'animal du zoo.
Ceci dit, le livre fourmille d'une multitude de petits détails
intéressants pour le lecteur.
Le premier chapitre sur le mouvement oecuménique nous paraît
une bonne synthèse (qui n'épargne d'ailleurs pas sa
propre Eglise).
Le second sur le judaïsme est pour lui l'occasion d'interpeller
son Eglise sur la collégialité épiscopale,
sur nécessaire simplification de l'ordination et sur l'élection
épiscopale par le peuple source de la reconnaissance de la
légitimité des autres Eglises et de leur sacerdoce.
Dans le troisième chapitre sur l'orthodoxie, quelques pointes
humoristiques (l'évêque de Rome, Grégoire le
grand, affirmait qu'il n'y a pas d'évêque universel
!) abonde dans la nécessité de réformer le
magistère et la papauté romaine.
Le chapitre 4 sur le protestantisme nous semble honnête et
parsemé de jugements positifs, même si parfois un peu
injustes au regard du protestant (Luther, une vue trop pessimiste,
trop fondée sur la prédestination et sur une interprétation
trop radicale de Paul ; Calvin, un excellent catéchisme pour
adultes ; le concile de Trente arrive trop tard). Il loue l'amitié
oecuménique d'aujourd'hui même si elle ne suffit pas
à résoudre la difficultés. Ce chapitre se termine
sur le fruits des dialogues protestants catholiques (et les questions
à résoudre).
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Le chapitre 5 sur l'anglicanisme est abordé de manière
historique, sans cacher les maladresses de la politique romaine.
Il souligne l'oscillation entre calvinisme et catholicisme, mais
insiste sur Newman (pourquoi ?) comme incarnant avec génie
la tradition inhérente à l'anglicanisme, qui est essentiellement
catholique et pour lequel l'unité à Rome est un impératif.
La partialité se fait encore sentir lorsque l'auteur développe
les dialogues catholiques/anglicans non validés par ces Eglises,
et passe sous silence les accords Anglicans/protestants scandinaves,
américains, allemands et français (ceux là
validés par les Eglises) dont certains vont jusqu'à
l'accueil réciproque à la cène et l'échange
de ministères.
On est peu compétent pour apprécier l'histoire américaine
du chapitre suivant, mais on s'étonne que les méthodistes
(Wesley) croyaient aux sacrements dans le sens catholique et écrivaient
des hymnes des plus orthodoxes dans le sens catholique... pour conclure
sur le témoignage d'une méthodiste convertie au catholicisme,
attirée par sa beauté et son histoire. Ce qui donne
au protestant la fâcheuse impression que le méthodisme
s'accomplit dans le catholicisme !
Le chapitre 7 aborde la question des sectes par une information
sérieuse et des parallèles curieux (parlant des témoins
de Jéhovah : " on trouve cela chez Luther et Calvin
: une vue très négative de l'Eglise catholique ").
Le chapitre 8 sur l'Islam est abordé toujours dans un esprit
positif et se conclut par quelques belles pages poétiques
de l'écrivain persan Roumi.
L'auteur sait souligner au fil du texte les questions que l'oecuménisme
pose à sa propre Eglise. Il marque sa reconnaissance à
l'égard des autres et adopte des positions audacieuses sur
son Eglise dont il n'hésite pas à critiquer les abus
(juridiction et magistères papal abusif), les sacrements,
la conception du mariage, de la papauté ou de l'inter-communion.
Cette honnêteté rattrape le sentiment du lecteur protestant
d'être " récupéré ".
Dans son épilogue (où l'Armée du Salut, les
Quakers et les Mormons sont dans le même sac !), on perçoit
la nature ouverte de l'auteur et sa vraie pratique oecuménique.
En conclusion, malgré les approximations inévitables,
une bonne et généreuse initiation.
(Gill DAUDE)
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